Le Râle de Cuvier est souvent décrit exclusivement sur les territoires de Madagascar et d’Aldabra, une île des Seychelles. En effet, cette espèce a longtemps été considérée comme disparue du territoire de Mayotte. Pourtant, des observations ont été reportées en 2009 puis en 2013. Des prospections et recensements de l’oiseau ont donc été organisés de 2015 à 2019 : la présence du Râle de Cuvier a alors été prouvée dans différentes zones humides de notre île. Il semble apprécier la présence d’espaces partiellement inondés et d’une couche herbacée bien développée. Cette espèce méconnue mesure environ 30cm du bec à la queue. On distingue facilement sa gorge et son menton blancs. Le reste de la tête et la poitrine sont d’un joli brun châtaigne. Son dos, sa queue et son bas ventre sont olivâtres foncés avec quelques plumes noires. Des plumes blanches sont également visibles à la base ventrale de la queue et sur le bas ventre. Ses yeux sont rougeâtres tirant vers le marron-orangé et ses pattes sont grisâtres tirant vers le marron-verdâtre. Enfin la partie supérieure et la pointe du bec sont plutôt noires alors que la partie inférieure est orangée. Les individus juvéniles sont plus homogènes, bruns pâles avec des stries noires au niveau des ailes. La tâche blanche sur la gorge est beaucoup moins marquée. Souvent bien caché dans la végétation, le Râle de Cuvier est discret à Mayotte et son comportement est peu connu. Il est cependant certain que la perte des milieux humides (assèchement, envahissement par les espèces exotiques, fermeture des milieux…) représente une importante menace pour cette espèce dont nous sommes fiers de témoigner la présence à Mayotte aujourd’hui.
Comme chaque année, le 2 février marque l’anniversaire de la signature de la Convention sur les zones humides signée en 1971 dans la ville de Ramsar en Iran. Cette ville a donné son nom au label Ramsar. Ce label permet de reconnaître les zones humides d’importance internationale ; la gestion durable et respectueuse des milieux y est fortement encouragée et valorisée. À Mayotte, l’unique site classé Ramsar à ce jour est la vasière des badamiers sur Petite Terre. Dans le cadre du Life BIODIV’OM, le GEPOMAY est actuellement en charge de deux nouvelles labellisations sur des sites exceptionnels : Le lac Karihani, unique lac naturel d’eau douce et second site de diversité avifaunistique de l’île après la vasière des badamiers ; il est également le premier site d’alimentation du Crabier blanc. La baie de Boueni accueillant la mangrove non fragmentée la plus étendue de l’île ; c’est d’ailleurs la première mangrove où ont été observés des Crabiers blancs nicheurs. Notre chargée de mission zones humides et biodiversité urbaine, Laurie, explique : « Mayotte est une île riche en milieux humides : lagunes, lac, retenues collinaires, mangroves, arrières-mangroves comme les prairies humides etc.. Des sites que le GEPOMAY suit attentivement dans deux cadres : le suivi mensuel des populations de Crabiers blancs et la restauration des prairies humides. Les zones humides rendent de nombreux services écosystémiques comme le stockage de l’eau (milieux gorgés d’eau) et du carbone, des apports pour la pêche… Ce sont aussi des milieux riches en biodiversité où l’on retrouve un grand nombre d’espèces végétales et animales. Ce sont des sites d’alimentation et de nidification pour de nombreuses espèces. Malheureusement, les zones humides sont des milieux très menacés à Mayotte : par exemple, les arrières-mangroves sont inscrites sur la liste rouge des écosystèmes. Ces milieux sont asséchés par les espèces végétales exotiques envahissantes qui colonisent l’espace à très grande vitesse. Les sols sont surexploités en cas d’agriculture intensive et de drainage. Ce sont également des milieux très pollués par la présence de nombreux déchets et le déversement de produits toxiques dans les cours d’eau. En attribuant le label Ramsar au lac Karihani et à la baie de Bouéni, le GEPOMAY espère que ces sites recevront la reconnaissance internationale qu’ils méritent. Le label permettra par la suite de faciliter la mise en place de mesures de restauration et de gestion qui sont nécessaires à ce jour.» Le GEPOMAY travaille également à sensibiliser les publics sur l’importance des zones humides. La convention Ramsar propose de fêter la journée mondiale des zones humides autour d’un thème commun et d’animations proposées sur la totalité du mois de février. Nous proposons donc de vous faire découvrir une zone humide de l’île chaque samedi du mois ! Cette année le thème est clair : « Il est urgent de restaurer les zones humides ! », un sujet qui parle au GEPOMAY qui a coordonné, grâce au Life BIODIV’OM, des chantiers de restauration sur les prairies humides de Malamani et d’Ambato. Nous recherchons des bénévoles pour notre prochain chantier d’arrachage les 15 et 16 mars 2023 à la prairie humide de Malamani. Vous participerez à restaurer la prairie humide en luttant contre les espèces exotiques envahissantes. N’hésitez pas à contacter l’adresse mission.biodivom@gepomay.fr ou le 0269 61 05 90.
Le Héron garde-bœufs est une espèce présente sur les 5 continents habités par l’Homme. Il reste le plus courant en Afrique et est très commun à Mayotte. Cette espèce sédentaire peut facilement être observée sur les pelouses urbaines et aux abords des décharges à ciel ouvert mais, comme son nom l’indique, elle est principalement présente au niveau des cultures, en présence de bétail. En effet, ce héron profite du dérangement causé par les bêtes pour capturer ses proies. Il se nourrit majoritairement d’insectes et arthropodes du sol mais il profite également des petits vertébrés (reptiles, amphibiens, petits oisillons ou rongeurs). L’espèce est globalement peu vocale et l’on observe les individus en groupe. À Mayotte, des colonies mixtes se réunissent à la cime des palétuviers lors de la saison de reproduction, on peut y trouver des Grandes aigrettes ou des Crabiers blancs. Durant cette période, le partage des tâches est de rigueur : le mâle collecte les matériaux tandis que la femelle se charge de la construction même du nid. Une colonie reproductrice se signale par une sorte de bavardage continu fait de pépiements juvéniles et des « roc roc roc » des adultes. Hors reproduction, les Hérons garde-bœufs restent réunis en dortoirs. On différencie, selon les saisons, deux plumages du Héron garde-bœufs : le plumage globalement blanc prend des nuances orangées au sommet de la tête, dans la nuque et sur le haut de la poitrine en reproduction. Alors les pattes et le bec sont d’un orange vif voire rougeâtres. Le plumage internuptial est moins contrasté, les nuances du plumage disparaissent, bec et pattes sont jaunâtres. L’immature se distingue par son plumage blanc homogène, un bec jaune et des pattes noirâtres. Sources : Oiseaux.net Les Oiseaux de Mayotte, Michel Clément, Philippe de Grissac, Robin Rolland
Depuis 2010, le Groupe d’Études et de Protection des Oiseaux de Mayotte suit sur le territoire la population le héron Crabier blanc, Ardeola idae, oiseau le plus de l’île. Grâce à la multiplication de ses actions, aux avancées technologiques et à un effort d’optimisation des méthodes, l’association possède aujourd’hui un protocole standardisé pour estimer à long terme et avec fiabilité l’évolution de la population nicheuse de Crabiers blancs sur le territoire. Une publication scientifique sur ce sujet est actuellement en cours de finalisation. La première observation de Crabiers blancs recensée à Mayotte a été réalisée au lac Karihani en 1985. En 2003, suit la première observation de nids de Crabiers blancs dans la mangrove de la baie de Bouéni. Actuellement, cette espèce niche dans cinq mangroves de Mayotte, espaces remarquables pour leurs services écosystémiques et notamment l’accueil de la faune sauvage. Or, depuis 1980, plus de 20% de la superficie des mangroves a été détruite à travers le monde et Mayotte ne fait pas exception. La détérioration et la disparition des mangroves mahoraises menacent le Crabier blanc déjà classé en danger mondial d’extinction. Durant la saison de reproduction à Mayotte, d’octobre à mars, les Crabiers blancs se rassemblent dans des colonies mixtes, nommées héronnières, à la cime des palétuviers. Ces colonies sont principalement partagées avec les Hérons garde-bœufs. Depuis 2010, l’association GEPOMAY suit et recense ces populations nicheuses. Le GEPOMAY recense à ce jour avec le partenaire DroneGo les populations nicheuses de Crabiers blancs par photographie aérienne et grâce aux décomptes des nids actifs, c’est-à-dire les nids sur lesquels se trouvent au moins un individu de l’espèce, adulte ou juvénile. Le protocole de suivi est soumis à des biais pouvant mener à une sous-estimation des populations nicheuses : selon l’orientation du drone, des nids peuvent être dissimulés derrière des branchages, la luminosité peut empêcher l’identification de l’espèce présente sur le nid… Certains nids sont alors non repérables ou non identifiables comme actifs lors du photo-comptage. Durant la saison de reproduction 2021-2022 et en parallèle du suivi classique, de nouveaux protocoles ont donc été expérimentés pour corriger ces biais. La présence d’individus Crabiers blancs sur leurs nids étant très variable d’un jour à un autre, tout au long de la saison de reproduction ; il a été décidé d’utiliser une méthode statistiquement adaptée : la méthode de Capture-Marquage-Recapture permet de réduire les biais d’estimation d’abondance. Différents modèles de CMR ont été testés statistiquement puis comparés pour conclure sur l’estimation la plus juste possible des populations. La mise en place d’un protocole expérimental de suivi des couples nicheurs a porté ses fruits pour la saison 2021-2022 : l’ancien protocole comptabilise 325 couples reproducteurs contre une estimation de 415 obtenue grâce à la CMR ! Un protocole en plusieurs étapes : 1-Prospection des colonies En début de saison de reproduction un survol des mangroves de l’île en ULM permet de repérer les colonies actives à suivre. Un vol de contrôle est également réalisé en milieu de saison pour détecter de potentiels abandons de colonie, déplacements ou créations tardives de nouvelles colonies. 2-Suivi drone Les survols d’une colonie par drone sont réalisés 10m au-dessus de la canopée, lors de sessions régulières et selon un plan de vol bien déterminé.Les sessions comprennent sont obligatoirement réalisées sur trois jours consécutifs. Selon la taille de la colonie et pour recouvrir toute la zone d’étude, entre 10 et 100 photographies sont prises par survol. 3-Photo-montage Après un travail de tri des photographies, les clichés sélectionnés pour chaque survol sont assemblés sur ordinateur pour obtenir un panorama de l’ensemble de la héronnière à un jour J. L’assemblage peut être automatique par détection de points de coïncidence grâce à un logiciel ou manuel si la détection est impossible. Les biais utilisateurs de cette étape ont déjà été minimisés grâce à la standardisation du protocole de photo-montage réalisée l’année dernière. 4-Photo-comptage Sur les panoramas sont pointés et comptés : tous les Crabier blancs reconnus, en précisant si l’individu est adulte ou immature/juvénile ; les nids actifs, en détaillant les individus présents sur le nid ; les individus non identifiables : il n’est pas possible de déterminer sur la photo si c’est un Crabier blanc ou un autre Ardéidé nichant dans la colonie mixte. Les individus en vol et les autres espèces identifiées ne sont pas pointés. Il est considéré qu’un individu en vol apparaîtra à l’arrêt sur une autre photographie. 5-CMR Les nids actifs sont comptabilisés sur chaque panorama et la session de trois jours comportant le plus de nids actifs est choisie pour l’analyse CMR. Sur le panorama du premier jour, chaque nid actif identifié est marqué d’un numéro unique (Captures-Marquages). Sur les panoramas des deux jours suivants, chaque nouvelle identification d’un nid actif entraîne un marquage (Recaptures-Marquages). → Chaque nid ayant été identifié comme actif sur au moins l’une des trois journées possède donc un marquage différent. L’analyse CMR permet d’estimer combien de nids actifs n’auraient pas pu être détectés la veille ou le lendemain et donc estimer le nombre de nids actifs réels au sein de la colonie en palliant les biais d’observateur. Application de la CMR sur un panorama aérien : on distingue la superposition des pointages réalisés sur les 3 jours d’une session grâce au logiciel QGis :– Rouge : Nid repéré actif au J1– Orange : Nid repéré actif au J2– Jaune : Nid repéré actif au J3– Étoiles numérotées : Marquage unique sur chaque nid actif Un nid actif correspond à un couple donc deux individus reproducteurs : on estime donc, pour la saison de reproduction 2021-2022, 830 Crabiers blancs reproducteurs parmi les cinq héronnières de notre île. En parallèle des actions de protection, la conservation d’une espèce nécessite de suivre l’évolution donc la tendance de ses populations. Les tendances de population permettent de visualiser l’abondance d’une population d’une année sur l’autre. Grâce à ce protocole standardisé et comparable d’année en année, la saison 2021-2022 est donc considérée comme la saison de référence pour modéliser une tendance des populations de Crabiers blancs à Mayotte. Cette tendance sera évaluée selon les six catégories définies par l’European Bird Census Council (EBCC) : En estimant la dynamique des populations de Crabiers blancs à Mayotte, il sera possible d’évaluer les impacts des actions de protection mise en place dans le cadre du PNA et du Life BIODIV’OM. Cette espèce étant considérée comme une espèce parapluie, sa gestion et sa protection par le GEPOMAY permettent également d’agir positivement sur ses milieux et les autres espèces qui y sont inféodées. Rédaction : Mariane Harmand Source : Suivi de la population nicheuse de Crabiers blancs à Mayotte – développement d’un indicateur de tendance, Laurie Gaillard Pour aller plus loin :
Le Moineau domestique occupe une aire de répartition très vaste et presque mondiale. On le retrouve pratiquement partout où l’Homme est présent et a construit des lieux de vie. À Mayotte, il n’est pas naturellement présent mais a été introduit dans les années 1940 en Petite Terre. Il est très facilement observable car peu farouche et largement commun en milieu urbain. Il aime le village rural traditionnel : entouré de zones agricoles, composé de jardins, haies, potager ou encore poulaillers. Un Moineau domestique né dans un village a toutes les chances d’y passer toute sa vie et il y est visible en toutes saisons. Le Moineau cohabite facilement avec l’Homme, il lui faut un minimum de surfaces végétalisées où il pourra trouver sa nourriture, les matériaux du nid ou se réfugier en cas de danger. L’adulte se nourrit principalement de graines, il est omnivore et opportuniste. Les jeunes au nid sont exclusivement nourris d’invertébrés, insectes et larves. Pourtant, cette espèce ne fait pas exception au déclin de la biodiversité. S’il est encore commun, le moineau est menacé par l’habitat urbain moderne de plus en plus bétonné : un net déclin de l’espèce s’est amorcé dans les grandes villes depuis les années 1980. Très sédentaire, le moineau affirme son territoire en répétant parfois sans fin des séries de cris : « tchip, tchiup » ou « tchirp », perché sur un toit ou une haute barrière proche du lieu qu’il convoite pour construire son nid. La parade nuptiale est impressionnante : plusieurs mâles rassemblés crient autour d’une même femelle, becs pointés vers le ciel, poitrines bombées, ailes entrouvertes et queue déployée. Cela peut se terminer en affrontements entre mâles même si la femelle a quitté les lieux. Les couples restent fidèles pendant la saison de reproduction. Hors reproduction les individus peuvent se rassembler en dortoir, ils recherchent leur nourriture en groupe, au sol en sautillant et en agitant nerveusement la queue. Mâles et femelles du moineau n’ont pas le même plumage, on parle de dimorphisme sexuel. Le mâle a un plumage plus vif aux teintes chaudes, marron et chamois strié de noir. Sa tête présente une calotte grise, des yeux noirs, une nuque châtaigne et des joues blanches grisâtres. Son bec est conique, fort et de couleur noire. La gorge, noire également, se prolonge sur la poitrine. Le dos, découvert en vol, le ventre et le croupion sont gris clairs non homogène. La femelle est plus discrète aux teintes plus claires, beige ou marron clair avec un manteau également strié de noir. Sa tête est brune avec un sourcil pâle qui va de l’œil aux côtés de la nuque. Le bec est brunâtre, avec souvent du jaune à la base inférieure. Les parties inférieures sont similaires à celles du mâle. Le juvénile est semblable à la femelle au plumage encore plus atténué. Sources : Oiseaux.net Les Oiseaux de Mayotte, Michel Clément, Philippe de Grissac, Robin Rolland