Depuis 2010, le Groupe d’Études et de Protection des Oiseaux de Mayotte suit sur le territoire la population le héron Crabier blanc, Ardeola idae, oiseau le plus de l’île. Grâce à la multiplication de ses actions, aux avancées technologiques et à un effort d’optimisation des méthodes, l’association possède aujourd’hui un protocole standardisé pour estimer à long terme et avec fiabilité l’évolution de la population nicheuse de Crabiers blancs sur le territoire. Une publication scientifique sur ce sujet est actuellement en cours de finalisation.
La première observation de Crabiers blancs recensée à Mayotte a été réalisée au lac Karihani en 1985. En 2003, suit la première observation de nids de Crabiers blancs dans la mangrove de la baie de Bouéni. Actuellement, cette espèce niche dans cinq mangroves de Mayotte, espaces remarquables pour leurs services écosystémiques et notamment l’accueil de la faune sauvage. Or, depuis 1980, plus de 20% de la superficie des mangroves a été détruite à travers le monde et Mayotte ne fait pas exception. La détérioration et la disparition des mangroves mahoraises menacent le Crabier blanc déjà classé en danger mondial d’extinction.
Durant la saison de reproduction à Mayotte, d’octobre à mars, les Crabiers blancs se rassemblent dans des colonies mixtes, nommées héronnières, à la cime des palétuviers. Ces colonies sont principalement partagées avec les Hérons garde-bœufs. Depuis 2010, l’association GEPOMAY suit et recense ces populations nicheuses.
Le GEPOMAY recense à ce jour avec le partenaire DroneGo les populations nicheuses de Crabiers blancs par photographie aérienne et grâce aux décomptes des nids actifs, c’est-à-dire les nids sur lesquels se trouvent au moins un individu de l’espèce, adulte ou juvénile. Le protocole de suivi est soumis à des biais pouvant mener à une sous-estimation des populations nicheuses : selon l’orientation du drone, des nids peuvent être dissimulés derrière des branchages, la luminosité peut empêcher l’identification de l’espèce présente sur le nid… Certains nids sont alors non repérables ou non identifiables comme actifs lors du photo-comptage. Durant la saison de reproduction 2021-2022 et en parallèle du suivi classique, de nouveaux protocoles ont donc été expérimentés pour corriger ces biais. La présence d’individus Crabiers blancs sur leurs nids étant très variable d’un jour à un autre, tout au long de la saison de reproduction ; il a été décidé d’utiliser une méthode statistiquement adaptée : la méthode de Capture-Marquage-Recapture permet de réduire les biais d’estimation d’abondance. Différents modèles de CMR ont été testés statistiquement puis comparés pour conclure sur l’estimation la plus juste possible des populations.
1-Prospection des colonies
En début de saison de reproduction un survol des mangroves de l’île en ULM permet de repérer les colonies actives à suivre. Un vol de contrôle est également réalisé en milieu de saison pour détecter de potentiels abandons de colonie, déplacements ou créations tardives de nouvelles colonies.
2-Suivi drone
Les survols d’une colonie par drone sont réalisés 10m au-dessus de la canopée, lors de sessions régulières et selon un plan de vol bien déterminé.Les sessions comprennent sont obligatoirement réalisées sur trois jours consécutifs. Selon la taille de la colonie et pour recouvrir toute la zone d’étude, entre 10 et 100 photographies sont prises par survol.
3-Photo-montage
Après un travail de tri des photographies, les clichés sélectionnés pour chaque survol sont assemblés sur ordinateur pour obtenir un panorama de l’ensemble de la héronnière à un jour J. L’assemblage peut être automatique par détection de points de coïncidence grâce à un logiciel ou manuel si la détection est impossible. Les biais utilisateurs de cette étape ont déjà été minimisés grâce à la standardisation du protocole de photo-montage réalisée l’année dernière.
4-Photo-comptage
Sur les panoramas sont pointés et comptés :
Les individus en vol et les autres espèces identifiées ne sont pas pointés. Il est considéré qu’un individu en vol apparaîtra à l’arrêt sur une autre photographie.
5-CMR
Les nids actifs sont comptabilisés sur chaque panorama et la session de trois jours comportant le plus de nids actifs est choisie pour l’analyse CMR.
→ Chaque nid ayant été identifié comme actif sur au moins l’une des trois journées possède donc un marquage différent. L’analyse CMR permet d’estimer combien de nids actifs n’auraient pas pu être détectés la veille ou le lendemain et donc estimer le nombre de nids actifs réels au sein de la colonie en palliant les biais d’observateur.
Application de la CMR sur un panorama aérien : on distingue la superposition des pointages réalisés sur les 3 jours d’une session grâce au logiciel QGis :
– Rouge : Nid repéré actif au J1
– Orange : Nid repéré actif au J2
– Jaune : Nid repéré actif au J3
– Étoiles numérotées : Marquage unique sur chaque nid actif
En parallèle des actions de protection, la conservation d’une espèce nécessite de suivre l’évolution donc la tendance de ses populations. Les tendances de population permettent de visualiser l’abondance d’une population d’une année sur l’autre. Grâce à ce protocole standardisé et comparable d’année en année, la saison 2021-2022 est donc considérée comme la saison de référence pour modéliser une tendance des populations de Crabiers blancs à Mayotte. Cette tendance sera évaluée selon les six catégories définies par l’European Bird Census Council (EBCC) :
En estimant la dynamique des populations de Crabiers blancs à Mayotte, il sera possible d’évaluer les impacts des actions de protection mise en place dans le cadre du PNA et du Life BIODIV’OM. Cette espèce étant considérée comme une espèce parapluie, sa gestion et sa protection par le GEPOMAY permettent également d’agir positivement sur ses milieux et les autres espèces qui y sont inféodées.
Rédaction : Mariane Harmand Source : Suivi de la population nicheuse de Crabiers blancs à Mayotte - développement d'un indicateur de tendance, Laurie Gaillard Pour aller plus loin :